Europe, Merkozy, Austérité : de nombreux dirigeants prient discrètement pour l'élection d'Hollande

Publié le par FC 94

Comment éviter un affrontement entre Angela Merkel et François Hollande en cas de victoire du socialiste français au second tour de l'élection présidentielle, le 6 mai ? (...)

 

L'arrivée au pouvoir de M. Hollande risque d'ouvrir, de l'avis général, une phase "délicate" en Europe, au moment où les incertitudes politiques - en France, aux Pays-Bas ou en Grèce - et les menaces de récession suscitent un regain de tension avec les marchés. Le candidat socialiste a martelé tout au long de la campagne son intention de "renégocier" le pacte budgétaire signé le 2 mars par vingt-cinq Etats, à l'initiative d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy. Il faut, à ses yeux, compléter le traité, en adjoignant à la "règle d'or" collective un volet "croissance". Problème : trois Etats (Grèce, le Portugal et la Slovénie) ont déjà ratifié le texte. L'Irlande prévoit un référendum à l'issue incertaine le 31 mai, moins de trois semaines après l'élection française.

 

DÉMINER LE TERRAIN

 

Sans attendre le second tour, Herman Van Rompuy et son entourage tentent de déminer le terrain. Le président du Conseil européen devait adresser un premier signal dans un discours prononcé jeudi 26 avril à Bruxelles, en présence de Mario Monti, le président du conseil italien, et d'Elio Di Rupo, le premier ministre belge, l'un des rares alliés socialistes de M. Hollande en Europe. M. Van Rompuy devait axer son discours sur la croissance et la régulation de la finance.

 

Mais il ne veut pas ouvrir la porte à une renégociation en bonne et due forme du traité. "Renégocier le traité aggraverait l'instabilité et enverrait un mauvais signal à la Banque centrale européenne [BCE], il faut plutôt parler de substance quand on s'intéresse à la croissance", plaide son entourage. "Il faut imaginer un donnant-donnant : répondre aux demandes des socialistes français en étant certain qu'ils s'engagent à tenir les objectifs budgétaires pris par le gouvernement précédent, afin de rallier l'Allemagne à une initiative sur la croissance", analyse une source bruxelloise.

A Bruxelles, on étudie la possibilité d'augmenter le capital de la Banque européenne d'investissement, l'établissement public que M. Hollande veut mettre davantage au service de la croissance. Et l'on souhaite, comme les socialistes, accélérer la mise en place des project bonds, ces obligations destinées à financer les infrastructures.

 

"L'AUSTÉRITÉ À VIE, NON"

 

De son côté, M. Hollande, qui devrait effectuer sa première visite à Berlin en cas d'élection, travaille à un mémorandum sur la réorientation de l'Europe. Le document devrait être adopté par le nouveau gouvernement dans la seconde quinzaine de mai, avant d'être transmis aux partenaires européens, en vue du Conseil européen de juin. "Le sérieux budgétaire, oui ; l'austérité à vie, non", a martelé M. Hollande sur TF1 mardi soir. L'un de ses conseillers observe que "l'atmosphère a changé par rapport au début de l'année lorsque le pacte budgétaire a été négocié". D'après lui, de nombreux dirigeants européens seraient susceptibles de soutenir la réorientation que M. Hollande appelle de ses vœux.

 

Ce pourrait être le cas de Mario Monti. Le président du Conseil italien ne dira pas un mot de la présidentielle française avant le résultat du second tour. Auréolé de sa réputation d'Européen orthodoxe, M. Monti est parvenu à s'inviter à la table de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel, qui snobaient Silvio Berlusconi.

 

Mais à l'heure où l'Italie a dû repousser le retour à l'équilibre budgétaire d'une année (2014 au lieu de 2013) sous l'effet d'une récession plus profonde que prévue, ils sont nombreux à souhaiter plus ou moins discrètement l'élection de M. Hollande pour se soustraire à la rigueur imposée par le couple "Merkozy". "Je ne souhaite pas [sa] victoire, mais il pourrait apporter un vent nouveau en Europe, en refusant par exemple le traité budgétaire", a indiqué mardi le prédécesseur de M. Monti, Silvio Berlusconi.

 

ESPOIRS EN ESPAGNE, EN GRÈCE

 

En Espagne, le chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, a maintenu une certaine neutralité face à la campagne électorale française. Sans doute parce qu'une victoire de François Hollande ne lui serait pas désagréable, loin s'en faut. Au sein de sa formation, le Parti populaire (PP), de nombreuses voix laissent entendre que l'élection du candidat socialiste pourrait être positive pour l'Espagne. Le pays, rentré de nouveau en récession au premier trimestre, a désespérément besoin d'un plan de relance européen pour rompre le cercle vicieux nourri par des plans d'austérité draconiens.

 

Même espoir en Grèce. Après le premier tour, le président du Pasok, Evangélos Vénizélos, a souhaité au candidat français "une grande victoire de portée européenne au second tour". "Nous devons changer les rapports de force européens", a précisé l'ancien ministre des finances. A droite, le quotidien Elefthero Typos, proche de Nouvelle démocratie, a titré, lundi, après le premier tour du scrutin présidentiel, sur la "claque à Merkozy". Même l'extrême droite vote Hollande. Le président du LAOS, Georges Karatzaféris, a souligné la nécessité d'une "alliance du Sud" avec la France, le Portugal, l'Italie et l'Espagne face à l'Allemagne.

 

Le climat semble même évoluer à Berlin. Bien qu'elle ait refusé de rencontrer François Hollande, Angela Merkel affirme d'ores et déjà qu'elle "travaillerait bien" avec lui s'il devait être élu président. Le gouvernement allemand sollicite des experts tant sur le programme de François Hollande que sur les répercussions que pourrait avoir en Europe, voire en Allemagne, le bon résultat de Marine Le Pen.

L'Allemagne n'entend pas se laisser dicter sa politique européenne mais son obsession est de ne pas être isolée. Mme Merkel évoque la nécessité d'une "croissance durable". Elle a d'autant moins intérêt à un affrontement avec François Hollande que sa coalition est en difficulté. La chancelière a besoin de l'appui du Parti social-démocrate pour faire adopter le pacte budgétaire, voire pour rester au pouvoir dans le cadre de plus en plus probable d'une grande coalition au plus tard en 2013. Comme le dit Mme Merkel, la politique européenne est devenue une affaire de politique intérieure.

http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/04/25/le-debat-sur-la-croissance-s-intensifie-en-europe_1690887_1471069.html

Philippe Ricard (à Bruxelles) avec Frédéric Lemaître (à Berlin), Sandrine Morel (à Madrid), Philippe Ridet (à Rome) et Alain Salles (à Athènes)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article